Retour sur la 23ème édition : RETOUR VERS LE FUTUR ! – Pour assurer une sauvegarde durable du patrimoine

Retour sur la 23ème édition :  » RETOUR VERS LE FUTUR ! – Pour assurer une sauvegarde durable du patrimoine « 

La journée débute par un discours d’introduction du Président Christophe Blanchard-Dignac « Défis persistants, mobilisation générale ! », rappelant que cette première édition sans Alain de La Bretesche est d’abord destinée à lui rendre hommage.

Les défis auxquels le patrimoine est soumis persistent quant à leur nature, des lois et des actes.  Comment aujourd’hui préserver le patrimoine paysager et culturel face à la tentation du court terme ? Face à ces défis persistants, la mobilisation doit être générale. Le patrimoine est l’une des seules causes qui peut réunir les populations sans risque de clivage. Il est créateur de liens sociaux et générationnels. Les combattants de demain se dessinant maintenant, il faut une mobilisation générale des nouvelles générations.

Sabine Drexler, sénatrice membre de la commission de la culture entreprend alors un tour d’horizon de l’actualité parlementaire en réponse à cette question : « La transition écologique sonne-t-elle le glas de la conservation du bâti ancien urbain et rural ? »

La commission de la culture du Sénat est associée au combat pour préserver le patrimoine. La carrière de Sabine Drexler dans l’exécutif local et départemental alsacien a démontré son engagement pour la protection du patrimoine bâti. Rapporteur des crédits du patrimoine, elle est sensible à la protection du patrimoine vernaculaire, particulièrement vulnérable parce qu’il est non protégé. La mise en valeur de ce patrimoine constitue un enjeu fondamental. Plusieurs points essentiels ont notamment été abordés par la représentante de la Haute Assemblée : la disparition des savoir-faire traditionnels, l’identification du bâti, l’approfondissement des connaissances, le financement, et enfin l’articulation avec la transition écologique.
La publication du rapport sur les modalités de conciliation de l’objectif de rénovation énergétique des bâtiments avec celui de la préservation du patrimoine a conduit à des progrès, en revanche, d’autres enjeux sont en suspens.

Maître Alexandre Riquier, avocat au Barreau de Paris, réalise alors un « focus sur la jurisprudence du patrimoine et des paysages : Y voit-on plus clair » ?

Le développement des énergies renouvelables, notamment la question éolienne, avait déjà marqué quantitativement la jurisprudence l’année dernière. C’est toujours le cas cette année. Cette multiplicité de décisions ne permet pas d’y voir plus clair. Le juge est toujours à la recherche d’un équilibre, le développement des énergies renouvelables prenant parfois le dessus. Maître Riquer évoque de nombreuses décisions illustrant bien la frénésie contentieuse sur le sujet éolien, mais également le dispositif du ZAN, zéro artificialisation nette à l’horizon 2050, et termine en évoquant l’affaire du siècle illustrant l’objectif de baisse des émissions.

La première table ronde de la journée a pour objectif un ambitieux « Retour aux sources : comment les législations particulières interagissent avec la protection du patrimoine ? » Elle est animée par Maître Loïc Dusseau, avocat au Barreau de Paris

En premier lieu, Vincent Négri, chercheur au CNRS- Institut des sciences sociales du politique, évoque le droit de l’archéologie, et l’historique des lois qui se sont succédé en la matière. Il explicite le pouvoir de l’État en la matière qui se matérialise par des prérogatives de puissance publique : le droit d’inscrire et d’ordonner des opérations d’archéologie préventive. M. Négri cite un rapport de recherche qui se pose la question de savoir comment l’archéologie fait société, comment elle génère un intérêt commun. Il propose plusieurs pistes de réflexion : penser le droit dans sa complexité, refonder la place de l’état, mais également inventer le préjudice archéologique.
Maître Théodore Catry, avocat au Barreau de Tours, intervient ensuite sur la Loi Littoral : Il évoque la protection du patrimoine à travers la Loi Littoral et notamment à travers la notion d’espace remarquable. Cette protection n’est pas absolue, il y a des exceptions. Il relève que la place du patrimoine culturel pose question, il n’y trouve pas sa place et peut être détruit.  L’intérêt général prime sur la protection du patrimoine. En somme, la loi ne fait pas tout.
Maître Francis Monamy, avocat au Barreau de Paris, vient clore cette table-ronde en analysant la Loi d’accélération des énergies renouvelables : Se dessine selon lui l’idée d’un système assez pur avec un Parlement qui a tendance à encadrer, le Gouvernement qui assouplit et le juge qui cherche à protéger et à assurer la bonne application des normes générales. Ce schéma grossièrement dessiné semble se réaliser.
En somme, il y a des instabilités dans le domaine, mais globalement, le rôle du Parlement est extrêmement positif. Cela suscite des réflexions professionnelles et politiques. Le juge a un rôle positif sur certains points. Cela témoigne également du vrai rôle créateur des avocats.

Tribune des anciens lauréats du Prix Pierre-Laurent Frier : libre parole d’une jeunesse investie

Six anciennes lauréates reviennent sur la remise de ce prix et sur son rôle dans leur poursuite professionnelle. D’une part, ce prix a pu renforcer la vocation de faire de la recherche en continuant la logique du mémoire en thèse. Par ailleurs, d’autres ont fait le choix de garder un lien avec le champ universitaire en participant à la rédaction d’ouvrages, à des colloques ou journées d’études. D’autre part, la plupart des lauréates continuent de travailler dans le secteur du patrimoine dans diverses institutions (Musée d’Orsay, ICOM, UNESCO…). Ainsi, si certaines ont pu quitter le milieu du droit du patrimoine, la vocation demeure.

Remise du prix Pierre-Laurent Frier 2023 par Maître Corinne Lepage, avocate spécialisée en droit de l’environnement et ancienne ministre

Marie Cornu, directrice de recherches au CNRS et spécialiste du droit du patrimoine culturel évoque le concours et annonce la lauréate. Le prix est décerné à Emma Tran Van Nhieu par Maître Corinne Lepage, pour son mémoire portant sur « L’appropriation culturelle en droit et la protection internationale du patrimoine culturel immatériel des communautés », sous la direction de Monsieur Jérôme Fromageau. Maître Corinne Lepage évoque un sujet à la croisée entre l’universalisme et le communautarisme, et félicite la lauréate pour ce travail riche de perspectives.

Après la pause déjeuner, le colloque reprend en début d’après-midi avec une Table-ronde animée par Arnaud de Lajartre, maître de conférences à l’Université d’Angers : du patrimoine aux patrimoines : trop embrasser ou bien étreindre ?

Nicolas Dufetel, Adjoint au maire d’Angers a apporté son expertise sur le terrain en évoquant notamment la démarche du Site Patrimonial Remarquable (SPR) et son Plan de Sauvegarde et de Mise en valeur (PSMV) sur la ville.
Pierre-Henri Biger, secrétaire des Amis du Patrimoine Rennais partage son expérience associative dont le travail a contribué à l’inscription au titre des monuments historiques de l’ancien jeu de paume du XVIIe siècle notamment mais également à la contribution au PLU patrimonial : l’inventaire du patrimoine bâti d’intérêt local à Rennes a ainsi pu être mieux complété.
Chantal Pradines, experte auprès du conseil de l’Europe explicite l’historique de protection des alignements d’arbres le long des routes, ainsi que la mise en œuvre de la Convention européenne du paysage. Chantal Pradines a rédigé un mémento en 2023 pour l’application de l’article L350-3 du code de l’environnement.
Monsieur David Nicolas, maire d’Avranches, préside l’intercommunalité Mont Saint-Michel Normandie. Il intervient en tant que référent patrimoine au sein de l’association des maires de France depuis 2016 mais fait également part de son expérience en tant que président de la CRPA de Normandie.

La dernière table-ronde évoquait le rôle du juge dans la protection du patrimoine : quels constats ? Quels espoirs ? autour de Xavier de Lesquen, avocat au Barreau de Paris.

Xavier de Lesquen introduit les débats par la question de l’accès au juge :   La législation vient encadrer la façon dont les associations peuvent intervenir en justice. Faut-il en déduire que l’on manque dans le temps de méfiance à l’égard de l’action associative ?
Francis Polizzi, vice-président du tribunal administratif de Montreuil et juge, Julien Lacaze, président de Sites et Monuments, et Jean-Marc Février, professeur de droit public à l’université Via Domitia débattent ainsi sur la question en s’interrogeant notamment sur la condition d’antériorité d’un an pour les associations afin d’ester en justice, l’intérêt à agir de ces dernières, mais également la notion de recours abusif.

Xavier de Lesquen évoque dans un second temps la décision du juge avec une des grandes caractéristiques de ces 20 dernières années : le développement du phénomène de régularisation. Aujourd’hui en droit de l’urbanisme, le litige est bouleversé.  Les trois intervenants questionnent dès lors cette notion, de même que celle des frais de justice parfois dissuasifs pour les associations, ou encore le référé de droit commun incompatible avec les problématiques des associations du patrimoine.

Enfin, en des termes conclusifs permettant de « Conjuguer le patrimoine au Futur », le président réaffirme le rôle de la société civile organisée qui est à la fois de porter des intérêts collectifs et de canaliser les intérêts particuliers. Trop restreindre les associations peut conduire à des excès. Le combat pour la protection du patrimoine va aujourd’hui se réaliser en premier lieu au niveau local. Il faut se mobiliser en permanence pour notre patrimoine qui, avant d’être un sujet de contentieux, est une très grande richesse de notre pays et un facteur de lien social extrêmement important.